paon du Congo

26/09/2015 08:42

L’une des découvertes ornithologiques les plus passionnantes du siècle dernier est celle d’un authentique paon en Afrique alors que les représentants de ce groupe habitent l’Inde et l’Asie du sud-est. En effet, cette nouvelle fit sensation car on pensait que les seuls membres de la famille des phasianidés en Afrique étaient des cailles, des perdrix et des francolins. De plus, cette découverte eut lieu dans des circonstances insolites et à la suite d’une longue succession de rebondissements et d’heureux hasards. Toute l’aventure du fameux paon du Congo commença en 1913 alors que l’ornithologue américain Chapin séjournait à Avakubi, village de la province de l’Ituri au Congo. Son attention fut attirée par une plume inconnue dans la coiffe d’un indigène. C’était une rémige secondaire rousse, régulièrement barrée de noirâtre. Il acheta la couronne de plumes en vue de répertorier celles-ci plus tard au muséum de New York. Lorsque toutes les plumes furent identifiées, il en resta une dont ni Chapin, ni ses collègues ne parvinrent à trouver le propriétaire. Cette plume, seul indice de l’existence d’une espèce inconnue, fut précieusement conservée dans ce musée. Pendant 23 années, Chapin enquêta en vain sur l’identité de l’oiseau mystérieux jusqu’à l’été 1936. Cette année là, alors qu’il visitait, une fois de plus, le musée du Congo belge à Tervueren en Belgique, il tomba par hasard, dans un couloir du dernier étage, sur deux gros oiseaux naturalisés. L’un était noirâtre, l’autre roussâtre mais il remarqua que les rémiges secondaires de ce dernier étaient en tous points similaires à celle qu’il avait laissée dans son bureau à New York mais nullement oubliée. Chapin préleva une rémige et l’envoya à son collègue Frank Chapman qui la lui retourna avec la vieille plume, convaincu qu’elles appartenaient toutes deux à la même espèce. Aucun doute ne subsistait : Chapin se trouvait bel et bien devant deux spécimens de cet oiseau énigmatique qu’il recherchait depuis tant d’années. C’est ainsi qu’il fit la découverte à distance d’un paon africain. La nouvelle défraya la chronique de l’époque : l’Asie venait de perdre son monopole des paons. Puis fut résolu le mystère de l’arrivée de ces deux oiseaux. Schouteden, directeur du musée du Congo, expliqua à Chapin qu’une société de commerce congolaise en avait fait don au musée, en 1914, chacun déjà étiqueté « Pavo cristatus, jeune, importé ». Chapin savait qu’il ne pouvait s’agir de jeunes paons bleus car le sujet noirâtre avait de gros ergots et était un mâle adulte alors que le brunâtre semblait être une femelle de la même espèce. Le mâle présentait une huppe tout à fait singulière de petites plumes noires avec, en avant, une touffe de plumes filiformes blanches. Comme on pensait qu’il s’agissait de jeunes paons ordinaires, on ne les avait jamais exposés au public mais simplement mis de côté, heureusement sans les détruire. Mais même s’ils avaient disparu, cette nouvelle espèce aurait été découverte. En effet, le 12 août 1936, ironie de l’histoire, H. de Mathelin de Papigny entretint Chapin d’un oiseau étonnant qu’il avait mangé avec ses compagnons à sa mine d’or d’Angumu en 1930. Sa description d’un mâle correspondait tout à fait au spécimen naturalisé. Le 20 novembre 1936, Chapin décrivit l’espèce sous le nom scientifique « Afropavo congensis » dans la Revue de Zoologie et de Botanique africaines. Mais il projetait de retourner au Congo afin de collecter des spécimens. Il organisa donc, de Bruxelles, une expédition dans la forêt de l’Ituri et la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre jusqu’au Congo. Ce fut alors le début d’une longue succession de sujets tués pour des analyses ou capturés vivants pour l’élevage et fournir les parcs zoologiques de New York et d’Anvers. En 1938, Chapin publia son étude dans le Compte rendu du 9ème Congrès Ornithologique International à Rouen (Hennache & Ottaviani 2006).